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Objets trouvés un 14 juillet

"Il est six heures du soir. La Bastille est tombée une heure plus tôt. Son gouverneur Launay, et son commandant, le major de Losme, faits prisonniers, sont traînés à pied du faubourg Saint-Antoine à l’Hôtel de Ville, siège du nouveau gouvernement municipal, pour y être jugés. La foule immense, très excitée par le bruit du canon et l’odeur de la poudre, se fait de plus en plus menaçante. Place de Grève, elle arrache les deux hommes à leur escorte, les transperce de mille coups de baionnette et de couteau. Le gouverneur et le commandant tombent morts.

A ce moment précis, un cri est lancé, repris par tous : "Fouillez-les." Un brave marchand bijoutier, qui vient de s’engager dans la garde bourgeoise formée la veille, plein de son autorité nouvellement acquise, se penche sur le cadavre du major. Dans une bousculade indescriptible, il inspecte ses poches, dans l’espoir d’y découvrir quelque secret d’Etat ".

Si vous voulez lire l’extrait du procès-verbal rédigé ce 14 juillet 1789 par le commissaire Fontaine (un des trois seuls procès-verbaux existant relatifs à la prise de la Bastille) où l’on apprend quels sont les "secrets d’Etat" en question, et combien facilement ils se métamorphosent, cliquez ci-dessous .

"… lui, Pinard [Justin Pinard, le "marchand bijoutier à Paris, garde bourgeois du district de Saint-Nicolas, demeurant rue Saint-Martin en face de celle des Ménétriers, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs"], a été engagé par le public de se charger des effets les plus précieux que portait sur lui le major, ce qu’il a fait. Les effets dont il s’est emparé consistent : 1/ En une montre à boîte d’or de Genève gravée avec un médaillon représentant des attributs de musique, garnie d’une chaîne d’or à trois branches avec une plaque d’or de couleur. A laquelle chaîne pend une clef en or, deux cachets aussi d’or massif représentant deux chiffres. 2/ En une paire de grande boucles de soulier d’argent à huit pans et à chapes d’acier. 3/ Une bourse à argent de soie verte dans laquelle s’est trouvé un écu de trois livres et un gros sol. 4/ Une clef de secrétaire. Il a mis les effets dans sa poche et les a emportés à l’Hôtel de Ville. Sur le refus qu’on lui a fait de lui donner un reçu des dits effets, il a pris le parti de venir par devant nous les déposer et en être dressé procès-verbal. A l’instant où il a voulu nous les présenter et les sortir de sa poche, il a été étonné de trouver d’autres effets qui consistent : 1/ En une montre à répétition sans nom d’auteur, boîte d’or gravée représentant des attributs de jardinage en or de couleur, à deux aiguilles à diamant, garnie au poussoir et à l’ouverture de trois brillants de différentes grandeurs, de laquelle montre le verre est cassé. 2/ Un paquet de quatre petites clefs de bureau ou secrétaire. 3/ Un mauvais cordon de soie verte garni en or. 4/ Une mauvaise bourse de soie verte percée aux deux extrémités et garnie de deux coulants en or. Il ignore comment ces effets se trouvent dans ses poches mais pense que ces effets lui ont été remis confusément par la personne de l’Hôtel de Ville à laquelle il avait d’abord remis les effets du major ci-dessus désignés pour opérer sa décharge…".

Les péripéties des "secrets" de ce 14 juillet ne sont pas finies. La suite bientôt, le 4 août (tiens tiens)…

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Le procès-verbal et sa présentation (début de la note) sont extraits de M. Bloit et P. Payen-Appenzeller, Les Mystères de Paris en l’An 1789. Les grandes et petites affaires qui ont marqué l’année extraites des archives inédites des commissaires de police, Sylvie Messinger Ed., 1989.

Les auteurs précisent au sujet de ce procès-verbal rédigé à une date pour le moins fatidique : "Aussi curieux que cela puisse paraître, les archives des commissaires n’abondent pas en témoignages concernant cet événement considérable qu’est la prise de la Bastille. La semaine du 14 juillet 1789 est une semaine comme une autre avec son lot habituel d’arrestations de voleurs, d’ouvertures de porte chez les locataires déménagés à la cloche de bois, d’accidents de fiacre, de plaintes de femmes battues. Seuls trois commissaires dressent des procès-verbaux relatifs à l’émeute. Le premier est le commissaire Fontaine, l’un des plus anciens de la compagnie, en place depuis 1757 rue de la Verrerie, à deux pas de l’Hôtel de Ville".

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Nous dédions cette note à Jean-Pierre, notre "marchand bijoutier".

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